La guerre et le divin (journal)

Russian soldiers preparing for the Battle of Kursk, July 1943
Il me paraît important de préciser, étant donné le contexte, que cette photo de soldats russes, que je partage car je la trouve superbe, ne vaut évidemment pas soutien à la Russie… je suis pro-ukrainienne et sans concessions, comme le démontrent un certain nombre d’articles écrits ces dernières années.

Écrit et publié le 15 janvier 2024 sur FB

Plus le temps passe, plus je pense que malgré l’horreur évidente de la guerre, et tant que celle-ci existe dans nos sociétés, un être humain n’a rien prouvé de lui-même s’il n’a pas payé une dîme de sang envers l’humanité en s’engageant pour un combat qui le dépasse. C’est le plus haut niveau de sacrifice qu’un être humain puisse atteindre, le plus sacré : celui de sa vie. Plus que jamais ces jours derniers, je saisis toute la force de ce principe et le respect total et infini que méritent les hommes – et aussi les femmes – qui ont fait le choix de se donner au monde, qui l’ont fait en leur âme et conscience, dans le respect de la noblesse du geste. Ils ont dûment passé une épreuve du feu spirituelle et morale à laquelle peu d’entre nous se sont seulement soumis. Aucune gerbe, aucune médaille, aucun honneur, ne pourra jamais les en dédommager. Nous leur devons tout, rien ne sera jamais trop beau pour eux, et nous aurons toujours à nous faire tout petits face à ces gens qui ont été capables de cet acte de dévouement ultime.

La guerre remet les pendules à l’heure, et les compteurs à zéro, elle défait profondément l’humain de ses vanités : en menaçant sa validité, celle du corps aussi bien que de l’esprit, en le privant de ses fanfreluches, de son identité, de son nom, et de ce qu’il croit être sa petite personne, en lui inculquant qu’il pourrait perdre sa vie terrestre à chaque moment, elle lui rappelle la nécessité du non-attachement à cette dernière, et que l’unique lien tangible d’une âme est celui qui le joint à une humanité plus grande que lui, et pour le bien de tous ceux qui souffrent. En l’obligeant à se concevoir comme pas plus qu’un maillon de la chaîne qui amarre l’humain à la vie véritable, et à tous les grands principes qui font son plus grand honneur, elle brise en lui tout l’ego existentiel qui le pousse à se concevoir comme une entité séparée, lui inculquant que les limites de sa petite personne ne sont pas un horizon indépassable mais un marchepied vers cette totalité infinie et universelle à laquelle chacun de nous appartient et qui mérite qu’on se mette à son service. En menant la guerre selon ces grandes lois, en effet, on devient un être de service : on sert Dieu, on sert l’Univers, on sert ce qu’il y a de plus sacré en l’homme, on lui apprend à se penser en tant qu’espèce.

La guerre, ainsi vécue et quand elle est faite pour le bien, est quasiment un principe bouddhiste, et c’est pour cela d’ailleurs que peu de gens qui la font en sont véritablement dignes. Quand elle n’est pas le simple plaisir inconscient de nuire et de défouler ses bas instincts sur les vulnérabilités des autres, de tuer pour une médaille, d’exercer une toute-puissance, de se battre pour des territorialités archaïques qui ne vont pas plus loin que cela, mais qu’elle est au contraire faite avec cette humilité et cette froide conscience du devoir qui implique la connaissance de tout ce qu’elle est, elle rapproche ceux qui la font de ce modèle ultime d’accomplissement humain et spirituel qu’est le Christ, le Christ en tant qu’énergie.

Sa disparition relative dans nos contrées occidentales, dont on peut évidemment se féliciter, a eu des effets pervers, car le sacrifice de soi et le service à l’humanité n’ont pas forcément trouvé, depuis, et pour la plupart des gens, de substituts réellement valables. C’est ce qui, présentement, manque le plus à nos sociétés. Et on peut bien sûr déplorer que seule la guerre lui ait vraiment permis jusque là de recouvrer la mémoire de ce devoir intime qui est celui de tout être humain. On peut espérer que l’Homme apprenne un jour à transmuter cette énergie du sacrifice pour la faire vivre d’une autre manière.
Car c’est la seule porte de sortie possible à la matière et au cycle des réincarnations : le sacrifice.

La guerre, si dévastatrice, si indéniablement abominable, a en effet peut-être eu cette vertu : créer un sens collectif et humain chez des individus qui ne se pensaient qu’en villages et en tribus. Si l’on enlève le fait que malheureusement, les hommes se battent souvent pour des armateurs et des gouvernants stupides, pour des causes indignes, pour des erreurs stratégiques et de bas intérêts, pour des patries factices, des frontières érigées en dogmes, c’est ce qu’est et doit être la guerre. Une force qui ne s’effectue pas contre d’autres hommes, mais pour la totalité d’entre eux.

A propos Altana Otovic

Tout ce qui n'est pas écriture m'ennuie. Vous savez ça, vous savez tout. https://altanaotovic.wordpress.com/2021/02/01/qui-je-suis/
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